Updated by PEG 1997.
Original by Philip Gibbs, 1997.
Traduction par Jacques Fric, qui endosse toute responsabilité pour les erreurs que sa traduction aurait pu introduire : Commentaires personnels [ ..]
Cette question présente différents aspects auxquels nous répondrons séparément ici.
Beaucoup ont du mal à comprendre pourquoi le big bang n’est pas un Trou Noir. Après tout, la densité de la matière dans la première fraction de seconde était bien supérieure à celle de n’importe quelle étoile, et nous savons que de la matière très dense courbe vigoureusement l’espace temps. Au tout début, toute la masse devait être contenue dans un volume dont le rayon devait être bien inférieur au rayon de Schwarzschild associé. Pourtant le big bang s’est arrangé pour ne pas être piégé dans un trou noir qu’il aurait lui même généré et d’ailleurs, paradoxalement l’espace au voisinage de la singularité est en fait plat et pas du tout très courbé. Comment se fait ce?
En gros, disons que le big Bang a échappé à ces
tracasseries, du fait qu’au tout début son expansion a été suffisamment rapide,
expansion qui s’est ralentie par la suite [ Selon les
dernières données, l’univers aurait recommencé à accélérer il y a quelques
milliards d’années , cf SN project
par exemple].
L’espace peut être plat, et l’espace temps courbé.La courbure provient alors du facteur d’échelle a (t), dépendant du temps qui figure dans la métrique qui caractérise le facteur d’expansion (vitesse, accélération) de l’univers. La courbure totale de l’espace temps dépend de la densité de matière, mais aussi de la courbure temporelle associée à l’expansion.
La solution de Schwarzschild des équations de la RG décrit un espace temps statique et fait apparaître une relation entre masse et un rayon critique qui lorsque cette masse est contenue dans une sphère de ce rayon , provoque son effondrement en Trou Noir. La solution de Schwarzschild (et la valeur du rayon limite de Schwarzschild) ne s’applique pas à un Espace temps contenant de la matière en expansion rapide.
Le modèle du Big bang est décrit par les solutions dites de Friedmann-Robertson-Walker (FRW) de l’équation de la Relativité Générale. Elles peuvent décrire des univers fermés ou ouverts. Toutes ces solutions contiennent une singularité à l’origine du temps qu’on appelle le big Bang [ en Français, on avait essayé de l’appeler « théorie de la création soudaine », mais cela n’a pas pris, faut dire que «création soudaine », on frisait le pléonasme !] Certes, mais les trous noirs ont aussi des singularités ! Et puis, dans le cas d’un Univers fermé, comme dans un trou noir, aucune lumière ne peut s’en échapper. Mais alors, où est la différence ?
La première différence de taille est que la singularité du big bang dans le modèle FRW se trouve dans le passé de tous les évènements de l’univers, alors que la singularité d’un trou noir se trouve dans leur futur. Le big bang ressemblerait alors plus à un « trou blanc » qui est la version symétrique en temps (le temps est inversé) d’un « trou noir ». D’après la RG classique, un trou blanc ne saurait exister pour la bonne raison qu’il ne peut pas être créé, du fait que son modèle symétrique (temps inversé) le Trou noir ne peut pas être détruit. Sauf, bien entendu, s’ils sont « éternels ».
Mais il y a des différences entre le modèle big bang standard FRW et un trou blanc. Un trou blanc a un horizon des évènements qui est le symétrique (vis à vis du temps) de celui d’un Trou Noir. Rien ne peut y entrer, comme rien ne peut sortir d’un Trou Noir. En gros, c’est la définition d’un trou blanc. Remarquons, que c’est facile de montrer que le modèle FRW est différent de la solution trou noir ou blanc tels que décrits dans les solutions statiques de Schwarzschild ou stationnaires “en rotation” de Kerr, mais c’est plus difficile pour le cas général des trous noirs ou blancs. La vraie différence est que le modèle FRW n’a pas le même type d’horizon des évènements qu’un trou noir ou blanc. A l’extérieur de l’horizon des évènements d’un trou blanc il y a des lignes d’univers, qui quand on les suit vers le passé, peuvent remonter infiniment vers le passé, sans jamais rencontrer la singularité du trou blanc, alors que dans la cosmologie FRW, quand on remonte une ligne d’univers vers le passé, on aboutit fatalement à la singularité (elles partent toutes de la singularité du big bang).
Dans les réponses précédentes, nous nous sommes attachés à montrer que le modèle standard du big bang FRW est différent de celui d’un trou noir ou blanc. Mais, après tout, notre univers physique est peut être différent d’un univers FRW [ ce qui n’est qu’une hypothèse], alors, avons nous le droit d’écarter la possibilité qu’il soit un trou noir ou blanc ? Considérons cette éventualité, sans pour autant remettre en cause la singularité initiale et en nous appuyant sur la Relativité Générale que nous supposerons correcte du moins pour les points qui sont concernés ici.
L’argument précédent contre l’hypothèse que le big bang est un trou noir / blanc s’applique toujours. La singularité est située dans le cône de lumière du futur, alors que les observations indiquent clairement un big bang chaud dans le passé. L’hypothèse d’un trou noir est écartée, mais reste celle d’un trou blanc. Le principe majeur des cosmologies FRW est que l’univers est homogène et isotrope à large échelle. C’est à dire il nous paraît semblable à lui même en tout point et dans toutes les directions. Ceci est plutôt bien confirmé par l’observation de la distribution des galaxies qui apparaît homogène et isotrope à des échelles de quelques centaines de millions d’années lumière. Le degré d’isotropie élevé du rayonnement de fond cosmologique ( RFC) paraît une preuve assez solide de l’homogénéité. Toutefois la taille de l’univers observable est limitée par la vitesse de la lumière et l’âge de l’univers. Nous ne voyons pas plus loin que 10 à 20 milliards d’années lumière, ce qui n’est que cent fois l’ordre de grandeur des structures où l’homogénéité se dessine.
L’homogénéité a toujours été un sujet débattu. L’univers peut très bien être plus grand, de beaucoup d’ordres de grandeur, que ce qu’on peut on observer, ou même être infini. L’astronome Martin Rees compare notre vision à celle qu’on a d’un navire voguant sur l’océan. Au delà des perturbations des vagues que l’on voit au premier plan, à perte de vue le reste nous paraît lisse et homogène. Vu d’un bateau, l’horizon n’est qu’à quelques dizaines de kms, bien que l’océan puisse s’étendre sur des milliers de kms. Ainsi, même avec nos télescopes les plus puissants, nous ne voyons qu’une partie limitée de l’univers. Aussi homogène soit il, rien ne permet d’affirmer qu’il en est ainsi au delà de la portée de nos télescopes. Ainsi, l’homogénéité est loin d’être acquise pour l’univers entier. Nous pouvons intellectuellement être favorable à cette hypothèse, mais pas le prouver.
Dans cette hypothèse, demandons nous si le modèle « trou blanc » est aussi cohérent avec les observations que le modèle FRW. Au début, on pensait que non à cause des forces de marée des trous blancs (comme les trous noirs) qui étirent et compriment l’espace dans différentes directions, ce qui n’est pas ce qu’on observe. Ceci n’est pas concluant, car cela ne s’applique qu’à l’espace temps vide de matière [ les métriques citées précédemment sont relatives à ce cas]. A l’intérieur d’une étoile il se peut qu’il n’y ait pas de forces de marée.
Un modèle de trou blanc compatible avec les observations cosmologiques serait celui correspondant à l’effondrement d’une étoile en trou noir, en renversant le sens du temps. En première approximation, nous pouvons négliger la pression et le considérer comme un nuage sphérique de poussière soumis à la seule force de gravitation. L’effondrement stellaire a été étudié en détail depuis les travaux fondateurs de Snyder et Oppenheimer en 1939 et ce cas simple est maintenant bien compris. Il est possible de décrire un modèle mathématiquement exact d’effondrement d’étoile en négligeant la pression en raccordant une solution FRW à l’intérieur de l’étoile sphérique et une solution de Schwarzschild à l’extérieur. L’espace temps à l’intérieur de l’étoile reste homogène et isotrope pendant l’effondrement.
Il s’ensuit que le modèle symétrique (en renversant le sens du temps) d’une sphère de poussière en effondrement ne peut pas être distingué d’un modèle FRW, si la sphère de poussière est plus grande que l’univers observable. Autrement dit on ne peut pas écarter l’hypothèse que l’univers est un gigantesque trou blanc. Pour trancher, il nous faudrait attendre que la limite de la sphère devienne observable, ce qui peut demander des milliards d’années.
On doit aussi admettre que si nous laissons de côté les hypothèses d’homogénéité et d’isotropie il existe alors tout plein d’autres modèles cosmologiques dont certains ont des topologies non triviales. C’est ce qui rend d’ailleurs difficile de tirer quoi que ce soit de concret de telles théories. Mais ceci n’a entamé en rien l’imagination et la hardiesse des cosmologistes qui s’y intéressent. C. Hellaby, en 1987 a étudié une des possibilités les plus délirantes, considérant que l’univers a été créé par un chapelet de trous blancs explosant indépendamment et s’agglomérant en un univers à un certain moment. Ceci étant par ailleurs une solution exacte tout à fait convenable de la Relativité Générale.
Encore plus fort, Stephen Hawking a suggéré que si on prend en compte les effet quantiques le différence entre trou noir et trou blanc, n’est pas aussi claire qu’il y parait, du fait que le rayonnement de Hawking indique que les trous noirs peuvent perdre de leur masse (http://www-cosmosaf.iap.fr/Rayonnement_de_Hawking.htm ) Un trou noir à l’équilibre thermique avec un rayonnement environnant pourrait bien devoir être symétrique par rapport au temps, auquel cas il pourrait bien être aussi un trou blanc. L’idée est discutable, mais si elle est correcte cela voudrait dire que l’univers est à la fois un trou noir et un trou blanc. Peut être que la réalité physique est encore plus étrange. Qui sait?
Pour les détails décrivant le modèle standard FRW du big bang,
les solutions des trous noirs, et en particulier l’effondrement stellaire qui
combine les solutions FRW et
Schwarzschild's, on peut lire:
Misner, Thorne and Wheeler, Gravitation, Freeman
(1973).
Un excellent livre, guide complet
des cosmologies inhomogènes incluant les solutions à base de trous blancs:
Andrzej Krasinski Inhomogeneous cosmological models, Cambridge University
Press (1997).
Concernant la suggestion de Hawking's sur la dualité trou noir / trou blanc:
Hawking and Penrose, The Nature
of Space and Time,
Princeton (1996).
L’analogie du paysage marin de Martin Rees est
extraite de son excellent livre:
Rees, Before the Beginning, Our universe and others,
Simon and Schuster, (1997).
Mes remerciements à Andrzej Krasinski pour son aide concernant les cosmologies inhomogènes.