Mise à jour le 31 Mars 2015
CONFÉRENCE DE Jérôme MARTIN
IAP, GRECO (GRavitation Et COsmologie)
« LA THÉORIE DE L’INFLATION »
Organisée par la SAF
Dans ses locaux, 3 rue Beethoven, Paris XVI
Exceptionnellement le Vendredi 27 Mars 2015 à 18H00
à l'occasion de la réunion de la Commission de Cosmologie.
Photos : JPM pour l'ambiance. (Les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur. Voir les crédits des autres photos si nécessaire
(Le conférencier a eu la gentillesse de nous donner sa présentation complète (en pdf) elle est disponible sur le site de la commission et également disponible sur ma liaison ftp au téléchargement et s'appelle.
Inflation-JM-CosmoSAF-mars2015.ppsx elle est dans le dossier COSMOLOGIE SAF de la saison 2014-2015).
Ceux qui n'ont pas les mots de passe doivent me contacter avant.
Pour info les actualités cosmo présentées ce jour là sont aussi disponibles sur le site de la commission.
BREF COMPTE RENDU
Encore un beau succès pour une présentation prestigieuse !
PRÉAMBULE.
En préambule, Jérôme Martin nous parle de la genèse de cette idée d’inflation.
Il semble qu’elle apparaisse à Alan Guth,
lors du colloque de Cambridge dans les années 1980. Il s’était
confronté au problème de l’horizon (voir les détails plus loin) et en
discuta aussi avec Andrei Linde. Cette nouvelle théorie résolvait
beaucoup de problèmes posés par le Big Bang chaud, même si elle n’était
pas parfaite.
Elle devint très populaire et est considérée comme un ingrédient indispensable en cosmologie.
Un mot sur la théorie du Big Bang chaud : c’est un modèle cosmologique qui décrit l’origine et l’évolution de l’Univers.
C’est
Georges Lemaître qui le premier eut cette idée en se basant sur la
découverte de l’expansion de l’Univers, il eut l’idée de
« rembobiner » le film de l’expansion. Il aboutit ainsi à une
époque « zéro », qu’il appelait l’atome primitif.
De nombreux autres (Einstein, Friedmann, …) lui ont emboité le pas ensuite.
On dit aussi Big Bang « chaud » pour signifier qu’à ses débuts la température était énorme.
QU’EST-CE QUE L’INFLATION ?
C’est
une théorie qui vient compléter le modèle standard de la cosmologie (la
théorie du Big Bang) et qui résout beaucoup de ses problèmes.
C’est une phase d’expansion exponentielle très accélérée et très violente.
L’expansion de l’espace-temps est exponentielle pendant la durée de l’inflation.
On appelle a(t) le facteur d’échelle lié à cette expansion, il grandit lui aussi de façon exponentielle.
a(t) ~ eHt
H = constante de Hubble, liée à l’expansion.
On ne peut pas reproduire cette physique en laboratoire car elle met en jeu des énergies qui ne sont pas à notre disposition.
Sur
cette courbe on a représenté en axe vertical le facteur d’échelle, qui
est lié à la taille de l’Univers (ici indiqué en mètres pour
information).
En horizontal, le temps écoulé depuis le BB.
Cette ère d’inflation a duré de 10-35 à 10-33 secondes après le BB.
La ligne rouge correspond à un modèle sans inflation.
L’Univers s’étend d’un facteur énorme, de l’ordre de 1028 !!!
L’Univers s’est étendu autant pendant l’inflation qu’après l’inflation jusqu’à maintenant !
Les énergies mises en jeu sont probablement énormes mais encore peu connues.
Signalons pour information la masse de Planck pour donner une idée :
MPl = (8PG)-1/2 = approx 1018 GeV
POURQUOI LA THÉORIE DE L’INFLATION ?
La
théorie du BB quoiqu’excellent pour expliquer l’histoire de l’Univers
avec seulement 6 paramètres, avait quand même quelques aspects
insatisfaisants que l’on n’arrivait pas à résoudre, notamment :
· Le problème de la platitude
· Le problème de l’horizon
· Le problème des anisotropies du CMB
Pour y
remédier, il fallait jouer sur les conditions initiales, c’est ce qu’a
fait l’inflation, c’est le mécanisme qui fait marcher le BB.
Le problème de la platitude.
L’Univers
semble spatialement plat (attention, pas l’espace-temps qui, lui, est
courbe), en fait sa platitude est connue avec une très bonne précision.
Alors pourquoi ?
L’inflation
qui augmente toutes les distances de l’Univers, même son rayon de
courbure, va faire tendre celui-ci vers une valeur énorme (proche de
l’infini) et donc rendre l’Univers plat. Il y a comme
« dilution » de la courbure de l’espace.
Cette courbure spatiale est déterminée avec grande précision, sa valeur (Omega K) est très proche de zéro : 5 10-4.
Mais
cette valeur est instable, car elle implique qu’au début de l’inflation
elle aurait dû avoir une valeur encore beaucoup plus proche de zéro (de
l’ordre de 10-14) difficile à maintenir !
On a
aussi montré que pour notre Univers devienne spatialement plat, le
rapport entre les facteurs d’échelle avant et après la période
inflationnaire devrait obéir à l’équation suivante :
Log (afin/adébut) > 60
Ce qui correspond au facteur d’amplification de 1028 discuté auparavant.
Le problème de l’horizon.
Le problème de l'horizon, est en fait lié à la notion de causalité,
en effet notre monde est basé sur le fait que la cause précède l'effet.
Cela paraît évident mais c'est un problème avec le BB, car les
informations ne peuvent pas aller plus vite que la lumière.
Il se trouve que les satellites COBE et WMAP (confirmé par Planck) ont trouvé l'Univers TROP UNIFORME (trop isotrope).
En effet, comment des régions du ciel si distantes entre elles peuvent
elles avoir la même température (2,725K), car au moment de l'émission
elles étaient d'après la théorie du BB trop éloignées les unes des
autres. Sauf si un phénomène exponentiel comme l'inflation ne s'était
produit
C’est ce qu’explique le dessin ci-contre. (Caltech)
Axe vertical : l’âge de l’Univers, horizontal, la distance.
Nous
sommes actuellement au sommet du triangle (aujourd’hui) et on regarde
une partie du ciel, les objets A et B situés par exemple au niveau du
CMB vers les 380.000 ans après le BB.
La
lumière émise par A et B se trouve sur le cône de lumière (angle à 45°).
Étant donnée la vitesse finie de la lumière, celle-ci décrit un cône
dans l'espace temps : le cône de lumière.
Le cône de lumière crée la distinction entre passé et futur.
Le point central de départ, c'est le présent.
Or on remarque que ces deux points ont exactement (à 10-5
près) la même température, mais ces points n’ont en principe pas été en
contact causal dans le passé, comme le montre leurs propres cônes de
lumière qui ne se chevauchent pas.
Comment se fait-il donc que ces deux zones causalement déconnectées aient la même température ?
Une analogie pour essayer de résoudre le mystère.
Nous allons faire appel à Bob et Alice qui ne se connaissent pas et qui doivent se rendre chacun de leur côté à un cocktail.
Bob parle à Alice : alors comment va ton père ?
Alice répond : bien merci et ta mère toujours astronome ?
Commet
cela se fait-il alors qu’ils ne sont pas ensemble ? On peut
imaginer qu’ils se sont connus dans le passé (avant l’inflation !)
et qu’ils évoquent maintenant (après l’inflation) des souvenirs.
Pour A
et B c’est pareil, dans le passé A et B était causalement liés, puis
est survenu l’inflation et celle-ci ne leur a pas fait perdre leur
caractéristique.
Si bien que maintenant en observant leur lumière, on se rend compte que ces objets étaient proches au début de l’Univers.
L’Univers est devenu isotrope garce à l’inflation.
COMMENT RÉALISER UNE PHASE D’INFLATION ?
Le
principe cosmologique nous permet d’assimiler le contenu en matière et
en énergie de l’Univers à un fluide parfait de pression p et de densité
d’énergie ρ
La
dynamique de l’Univers est contrôlée par les équations d’Einstein, qui
relient Géométrie (terme de gauche) et Matière (droite).
La géométrie est ainsi contrôlée par la distribution de matière.
L’accélération du facteur d’échelle (notée ä / a) doit être positive.
r est la densité d'énergie et p la pression.
Le signe « - » présent car la gravité attire.
Pour avoir l’accélération du facteur d’échelle positive, il faut un fluide à pression négative ! (antigravité)
C’est ce fluide de pression négative (action contre la gravité) qui est le moteur de l’inflation.
Nous sommes dans la théorie des champs de la physique des particules.
L’Univers homogène et isotrope implique un champ scalaire (particules de spin nul) avec sa particule : l’inflaton dont le potentiel doit être plat ou presque.
Ceci établit un lien entre la physique des particules et la cosmologie.
Quelques remarques :
Quand le potentiel n’est plus assez plat, la pression n’est plus négative, l’inflation s’arrête.
C’est le début de la phase Big Bang Chaud.
ORIGINE DES GRANDES STRUCTURES ET DES ANISOTROPIES DU CMB.
Quelle
est donc l’origine des fluctuations cosmologiques détectées dans le
CMB ? Ces fluctuations en température sont de l’ordre de 10-5 pour une température moyenne de 2,7K.
Ces anisotropies sont les germes des grandes structures qui vont apparaître et que nous observons aujourd’hui.
On pense qu’elles ont été produites pendant la période de l’inflation.
Les étudier revient à recueillir des informations sur l’inflation.
Pour
les étudier on va s’intéresser à leur spectre de puissance qui s’est
afiné au cours du temps en fonction des différentes missions :
COBE, WMAP et enfin Planck comme on le voit sur la représentation
ci-contre.
Rappelons ce qu’est le spectre de puissance (Angular Power Spectrum en anglais) :
L'échelle
horizontale inférieure peut être considérée comme étant proportionnelle
au nombre d'ondes (inverse de la longueur d'onde); l'échelle
horizontale supérieure correspond à l'échelle angulaire du ciel;
l'échelle verticale est proportionnelle aux carrés des fluctuations de
température.
Ce graphique représente de combien varie la température en chaque point du ciel.
Le
grand pic correspond à l'harmonique fondamental (comme pour un
instrument de musique) qui indique la taille typique d'un "grumeau" du
ciel approximativement 1°. Les pics secondaires (les "harmoniques")
donnent d'autres informations complémentaires.
La
gauche du spectre est celle qui s'éloigne le plus de la courbe idéale,
il y a des anomalies locales. Cela correspond aux "basses fréquences"
comme la perte de puissance dans les graves d'un instrument de musique,
c'est à dire aux grandes échelles angulaires.
Ces graphiques représentent de combien varie la température en chaque point du ciel, c’est son empreinte digitale !
Mais en fait ce que l’on voit du CMB aujourd’hui,
ce sont les fluctuations originales (perturbations scalaires dues à
l’inflaton) pendant la période inflationnaire et leur évolution dans le
temps depuis le BB due aux perturbations
gravitationnelles (ondes gravitationnelles).
L’INFLATION ET LES DERNIERS RÉSULTATS DE PLANCK.
Ce spectre de puissance (dont la dernière version de 2015) est parfaitement confronté avec la théorie.
En
fait toutes les mesures Planck confirment la même histoire de l’Univers,
elles confirment le meilleur modèle ; celui qui comporte 6 paramètres ; c’est le LCDN (Lambda Cold Dark Matter) ou
modèle de concordance.
Il comporte l’inflation, un espace plat, de la matière noire, de l’énergie noire….
NDLR : il n’y aurait donc que 6 paramètres élémentaires qui se répartissent comme suit :
· 3 paramètres décrivant le contenu matériel
de l’Univers : mat noire (Ωc h2), énergie noire (Ω L), baryons (Ωb h2)
· 2 liés à l’inflation et à son influence
sur les grandes structures (σ8 et ns)
· 1 décrivant la formation des premières
étoiles (réionisation t)
Un
paramètre semble jouer un rôle important lié à l’inflation, c’est ns
l’index spectral. Ce paramètre décrit les fluctuations initiales de
densité de l’Univers. Il est comme une empreinte digitale des tout
premiers temps de l’Univers, de l’inflation.
Ce paramètre a été déterminé, il vaut 0,96.
Extrait du CR de la conférence de F Bouchet (NDLR) :
F Bouchet attire notre attention sur ce paramètre ns qui ne vaut pas 1, mais 0,96 +/- 0,0054
Ce
facteur représente la taille des grumeaux à différentes échelles dans
l’Univers primordial ; s’il était égal exactement à 1 (invariance
d’échelle), les grumeaux auraient tous la même taille ; ce qui serait
contraire à la théorie de l’inflation, il fallait en fait que ce facteur
soit aux alentours de 0,96. Planck en apporte la preuve pour la
première fois.
C’est un résultat fondamental qui confirme encore la prédiction de l’inflation.
Autre paramètre lié à cette période inflationnaire, ce
que l’on appelle le rapport tenseur/scalaire, le facteur r. Ce rapport r
est lié aux amplitudes primordiales des fluctuations de densité de
matière qui ont dû générer des ondes gravitationnelles.
L’expérience BICEP2
annonçait une valeur de r = 0,2 ; Planck donne une limite maximale de r
: 0,1 (à 95% de confiance), ce qui semble prouver que leurs mesures ne
sont pas exactes au moins quant à leur conclusion sur la détection
d’ondes gravitationnelles.
Ces facteurs r comme ns sont importants aussi dans le
sens qu’ils permettent de donner des contraintes sur différents modèles
d’Univers, d’en valider certains et d’en exclure d’autres, comme on le
voit sur les graphiques ci-contre présentés par J Martin.
Axe vertical : le facteur r.
Axe horizontale : le facteur ns.
Les petits graphes représentent la forme des potentiels (V) en fonction de F (le champ scalaire).
Cela permet d’étudier la validité des différents modèles proposés (voir l’animation de la présentation du conférencier).
CONCLUSIONS DU CONFÉRENCIER.
· La théorie de l’inflation permet de résoudre certaines difficultés du modèle
standard de la cosmologie
· Elle permet en outre d’expliquer l’origine des grandes structures
observées dans notre univers
· D’un point de vue théorique, elle est remarquable car elle utilise à la fois la relativité générale et la mécanique quantique
· D’un point de vue observationnel, elle est en très bon accord avec les données.
De nos jours, la logique est même renversée: les données sont utilisées pour contraindre l’inflation
· Questions importantes: échelle d’énergie de l’inflation, nature du champ d’inflation, forme du potentiel etc …
· La suite … probablement détecter les ondes gravitationnelles primordiales
Super conférence, nombreuses questions, tout le monde était satisfait.
Conclusion à méditer de Jérôme Martin :
« Nous sommes tous des fluctuations quantiques ! »
POUR ALLER PLUS LOIN :
Voici quelques sites intéressants qui traitent de ce sujet et qui me semble essentiels à consulter.
Jérôme Martin (IAP), "Inflation after Planck & BICEP2" superbe complément à la présentation d’aujourd’hui.
Alan Guth: Waiting for the Big Bang, la genèse de l’invention de l’inflation. Voir aussi
cet article sur le même sujet.
Texte original d’Alan Gith de Juillet 1980 sur the inflationary Universe.
Was Cosmic Inflation The 'Bang' Of The Big Bang? Par Alan Guth.
Cosmic Inflation de The Physics of the Universe.
L'hypothèse de l'inflation par notre ami Rumiano.
Lecture notes on Cosmology (ns-tp430m)
Inflationary Cosmology par nos amis Canadiens.
TASI Lectures: Introduction to Cosmology un cours génial de cosmo notamment par Sean Carroll.
Étude de l’origine de l’Univers dans son ensemble, et de son évolution par l’Observatoire de Paris
Les tout derniers résultats de Planck : CR de la conf SAF de F. Bouchet le 11 Février 2015. (26/02/2015)
L’Univers vu par Planck : CR de la conférence SAF de F Bouchet du 9 Octobre 2013. (30/10/2013)
Les anisotropies du CMB : CR de la conférence de R Durrer à l'IAP du 11 Juillet 2006
Cours de cosmo de la SAF partie 4.
Chroniques de l’espace-temps d’Alain Mazure.
L’inflation vue par HFI Planck.
Jean Pierre Martin SAF Président de la Commission de Cosmologie
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Notez dès à présent les dates des prochaines réunions : toujours à 15H au siège 3 rue Beethoven P16
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· Samedi 6 Juin 2015 à 15H00 « Les Lasers:
Fondements-développements-construction » : par Lucile Julien-UPMC-CNRS-ENS, laboratoire Kastler-Brossel de physique quantique et applications.
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à Meudon, on apprécierait votre présence pour cette journée que l’on
essaie de renouveler dans sa structure. (Invité surprise !!!)
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