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http://math.ucr.edu/home/baez/physics/Quantum/bells_inequality.html
Updated May 1996 by PEG
(thanks to Colin Naturman).
Updated August 1993 by SIC.
Original by John Blanton. Traduction libre J. Fric qui endosse la
responsabilité des erreurs que sa traduction aurait pu introduire. Propres
commentaires entre [..]
En 1935 Albert Einstein et ses deux collègues, Boris Podolsky et Nathan Rosen (EPR) ont proposé une expérience de pensée pour dénoncer ce qu'ils pensaient être l'incomplétude de la mécanique quantique. Ce paradoxe appelé "paradoxe EPR " a suscité et suscite toujours une abondante activité de recherche. Cet article est une introduction au paradoxe EPR, à l'inégalité de Bell, et aux expériences qui ont tenté d'élucider les problèmes subséquents.
Une des caractéristiques essentielles de la mécanique quantique est l'impossibilité de mesurer simultanément certaines observables physiques classiques avec une précision absolue ( même en principe). A la place, on peut avoir plusieurs ensembles d'observables qui fournissent des descriptions, qualitativement différentes, mais néanmoins complètes ( maximum possible) d'un système de mécanique quantique. Ces ensembles sont des ensembles de "bons nombres quantiques", et sont également appelées " ensembles maximaux d'observables qui commutent". Des observables d' ensembles différents sont appelés " observables qui ne commutent pas" .
L'exemple classique est la position et l'Impulsion. Il est possible de donner une impulsion bien définie à une particule , mais alors la position est complètement indéterminée ou vice versa. Ce n'est pas un problème de possibilité de mesure, mais une caractéristique intrinsèque de la particule [ lié à sa description par la théorie, due à la dualité des représentations mathématiques des paramètres physiques concernés ( il existe des démonstrations du principe d'incertitude entre position et impulsion)]. On peut aussi générer des états où la connaissance approchée des deux observables est accessible simultanément: si on contraint la particule dans une région que l'on peut faire arbitrairement vaste, on peut définir de plus en plus précisément l'Impulsion. Mais on ne peut pas connaître les deux avec une précision arbitrairement grande, exactement au même moment.
( En fait , ceci n'est pas rigoureusement exact. Pour une chose, des observables qui ne commutent pas peuvent avoir des valeurs propres mutuellement liées. Ces subtilités doivent rester présentes à l'esprit de ceux qui examineraient en détail l'inégalité de Bell pour y trouver des suppositions implicites et cachées. Pour le propos de cette article court, nous éluderons ces finesses ).
La position et l'Impulsion sont des observables continues. Mais la même règle s'applique aux variables discrètes comme le spin par exemple. Le spin d'une particule sur les trois axes d'espace , en mécanique quantique constitue un ensemble d'observables mutuellement non commutables. On peut connaître que le spin sur un seul axe à la fois. Un proton mesuré avec un spin " haut" sur l'axe des "x" a simultanément un spin totalement indéterminé sur l'axe des "y" et "z". On ne peut pas mesurer simultanément les projections sur l'axe des "x" et des "y" du spin d'un proton. EPR s'appuie sur ce phénomène pour proposer une expérience qui conduit à un paradoxe qu'ils pensaient être inhérent à la description que la mécanique quantique fait du monde.
Ils ont donc supposé deux systèmes issus d'une interaction initiale de sorte qu'ils puissent être décrit par une seule fonction équation d'onde de Schrödinger. ( Pour simplifier, supposons un pion neutre au repos par rapport au laboratoire se désintègre en une paire de photons d'impulsions opposées. La paire de photons est alors décrite par une seule fonction d'onde.). Une fois séparés, les deux systèmes ( les photons) continuent toujours à être décrit par la même fonction d'onde, et une mesure d'une observable sur l'un, détermine la mesure de l'observable correspondante sur l'autre. Par exemple, un pion neutre est une particule à champ scalaire, il a un moment angulaire nul. Donc les deux photons qui s'éloignent l'un de l'autre ont des spins opposés. Si un des photons est mesuré avec un spin "haut" sur l'axe des "x" , l'autre doit être "bas" sur le même axe, car le moment angulaire de l'état final ( 2 photons) doit être le même que celui de l'état initial ( pion neutre unique). Nous pouvons connaître le spin du deuxième photon sans le mesurer. De même, la mesure de n'importe quelle observable d'un système va déterminer le résultat de la mesure de l'observable correspondante de l'autre, même si les systèmes ne sont plus physiquement liés dans le sens traditionnel du couplage local.
Cependant , la mécanique quantique ( MQ) interdit de connaître simultanément plus d' une observable qui ne commute mutuellement pas dans chacun des systèmes. Le paradoxe EPR traduit la contradiction suivante: pour notre système couplé, nous pouvons mesurer l'observable A du système I ( par exemple, le photon 1 a un spin haut le long de l'axe "x", donc le photon 2 doit avoir un spin bas sur le même axe), et une observable B du système II ( par exemple, le photon 2 a un spin bas sur l'axe "y", donc le photon 1 doit avoir un spin haut sur "y"), ceci permettant de mesurer deux observables pour les deux systèmes, en contradiction avec la MQ.
La MQ déclare ceci impossible, ceci impliquant paradoxalement que la mesure sur un système pollue toute mesure sur l'autre, à quelque distance qu'il soit ( une interprétation classique du mécanisme par lequel cela se produit fait référence à " l'effondrement instantané de la fonction d'onde". Mais les règles de la MQ ne nécessitent pas cette interprétation et d'autres toutes aussi valides existent. Le second système serait instantanément positionné dans un état où l'observable A est parfaitement définie, ceci polluant la mesure de l'observable B rendant sa connaissance aberrante. On peut imaginer que les mesures sont si éloignées que la Relativité Restreinte (RR) interdit toute influence d'une mesure sur l'autre. Par exemple, on peut attendre que les deux photons issus de la désintégration du pion se soient éloignés d'une année lumière et mesurer " simultanément" le spin sur x du photon 1 et le spin sur y du photon 2. La MQ dit que si la mesure du spin sur x du photon 1 intervient en premier, alors la mesure doit instantanément positionner le spin sur y du photon 2 dans un état aberrant, même s'il est à des années lumière du photon 1.
Comment peut on rendre compatible le fait que le photon 2 " connaît" que le spin sur x du photon 1 a été mesuré, même à des années lumière de distance sans que la lumière ait eu le temps de propager l'information conformément à la RR. Nous avons deux possibilités:
- On peut accepter le postulat de la MQ comme un fait établi, malgré la contradiction que cela implique vis à vis de la RR, ou
- On peut déclarer que la MQ n'est pas complète, qu'il y avait plus d'information disponible quand le système à deux particules a été crée, transportée par les photons, information qui n'est pas révélée du fait que la MQ n'en rend pas compte correctement.
Donc les auteurs du paradoxe EPR ont postulé que l'existence de variables cachées, de propriétés inconnues à ce jour, pouvaient expliquer la contradiction. Leur revendication était que la MQ ne décrit pas complètement la réalité physique. Le système II contient l'information sur le système I, bien avant que les physiciens mesurent une quelconque observable, brouillant en conséquence les observables qui ne commutent pas . De plus ils affirmèrent que les variables cachées devaient être locales. Dans ces hypothèses, il n'est pas nécessaire de faire appel à des actions à distance puisque chaque système dispose localement de plus de variables que la MQ n'en décrit.
Niels Bohr, un des fondateurs de la MQ soutenait le point de vue opposé et s'en tenait strictement à l'interprétation de Copenhague de la MQ.
En 1964 John S. Bell proposa une procédure de test de l'existence de ces variables cachées, et développa le principe de son inégalité comme fondement pour un tel test. Il montra que si l'inégalité était satisfaite, alors une théorie des variables cachées serait nécessaire pour rendre compte des phénomènes.
En reprenant l'exemple des deux photons configurés dans un état unique, considérons ceci: Après s'être séparé chaque photon a des valeurs de spin pour chacun des trois axes spatiaux, et chaque spin peut avoir une des deux valeurs possibles, appelons les haute et basse. Appelons les axes x, y, z et appelons le spin sur l'axe x , x+ s'il est haut sur cet axe , sinon x-. Utilisons les mêmes conventions pour les deux autres axes.
Maintenant réalisons l'expérience. Mesurons le spin d'une des particules sur un axe et le spin de l'autre photon sur un autre axe. Si EPR ont raison, chaque photon aura simultanément les propriétés pour les spins pour chacun des axes x, y et z.
Maintenant examinons statistiquement les résultats. Réalisons les mesures avec un nombre important d'ensembles de photons. Notons N(x+, y-) le nombre de photons avec x+ et y- et utilisons la même convention pour N(x+, y+), N(y-, z+), etc. Notons également N(x+, y-, z+) le nombre de photons avec x+, y- et z+", etc... Il est facile de montrer que pour un ensemble de photons
(1) N(x+, y-) = N(x+, y-, z+) + N(x+, y-, z-)
car tous les photons (x+, y-, z+) et tous les photons (x+, y-, z-) sont inclus dans la notation (x+, y-), et rien d'autre n'est inclus dans N(x+, y-). Nous pouvons revendiquer cela si ces mesures reflètent des propriétés réelles de photons.
Notons n[x+, y+] le nombre de mesures de paires de photons dans lesquelles le premier photon est mesuré x+, et le second photon est mesuré y+. Utilisons la même notation pour tous les résultats possibles. Ceci est nécessaire, car c'est tout ce qu'il est possible de mesurer. Nous ne pouvons pas mesurer à la fois x et y d'un même photon. Bell a démontré que dans une expérience réelle si (1) est vrai ( signifiant des propriétés réelles), alors ce qui suit doit être vrai
(2) n[x+, y+] <= n[x+, z+] + n[y-, z-].
Les autres relations d'inégalité peuvent être écrites par les permutations appropriées des lettres x, y et z et des deux signes. Ceci est le principe de l'inégalité de Bell, et il est prouvé être exact s'il y a des variables réelles ( peut être cachées ) qui rendent compte des mesures.
Quand les résultats de Bell furent connus, on passa en revue les archives des expériences déjà réalisées, pour voir si des résultats connus fourniraient des preuves contre la localité. Aucun n'en fournit. Donc on commença à développer des expériences pour tester l'inégalité de Bell. Une série d'expériences fut réalisée par A. Aspect se terminant par une où l'angle des polariseurs était changé pendant que les photons étaient " en vol". A cette époque cette expérience fut largement considérée comme probante et confirmant les prédictions de la MQ.
Trois ans plus tard Franson publia un article montrant que les contraintes de temps de cette expérience n'étaient pas adéquates pour confirmer que la localité avait été violée. Aspect mesura la différence de temps entre les détections de paires de photons. L'intervalle de temps critique est entre le moment où on change l'angle du polariseur et celui où cela affecte la statistique de détection de la paire de photons. Aspect estima ce temps sur la base de la vitesse du photon et la distance entre les polariseurs et les détecteurs. La mécanique quantique ne permet pas de faire des suppositions sur l'endroit où se trouve une particule entre ses détections. Nous ne pouvons pas savoir quand une particule traverse un polariseur, sauf à la détecter dans le polariseur.
Les tests expérimentaux de l'inégalité de Bell se poursuivent mais aucun n'a encore pris complètement en compte le problème soulevé par Franson. De plus, il y a aussi problème d'efficacité du détecteur. En assumant de nouvelles lois en physiques, on peut obtenir les corrélations escomptées sans aucun effet non local à moins que l'efficacité des détecteurs soit proche de 90 %. L'importance de ces points doit être appréciée à sa juste valeur
L'aspect théorique du sujet est toujours d'actualité également. Eberhard et puis plus tard Fine découvrirent quelques subtilités dans l'argumentaire de Bell. Quelques physiciens avancent que dans la démonstration de son inégalité, Bell fait un certain nombre d'hypothèses et qu'il est possible de construire une théorie locale qui ne respecte pas ces hypothèses. Le sujet est toujours brûlant et peut encore ménager quelques contributions intéressantes dans les subtilités de la mécanique quantique.
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