Dépasser la Relativité Générale et la Théorie Quantique des Champs.

 

1) Principes et champ d’application de la Relativité Générale.

 

2) Principes et champ d’application de la Théorie Quantique des Champs. 

 

3) Niveaux de précision de ces deux théories.

 

4) Domaines de la physique où ces deux corpus sont muets (insuffisants).

 

5) Pourquoi ces deux corpus sont fondamentalement incompatibles ?

 

6) Dépasser et englober ces deux corpus : les voies explorées.

 

Principes et champ d’application de la Relativité Générale.

R.G. : Théorie construite sur la base de deux hypothèses fondamentales :

1) la masse grave = la masse d’inertie, c’est-à-dire que la gravitation n’est rien d’autre qu’une accélération ;

          2) les lois de la physique ne doivent pas dépendre du choix du référentiel dans lequel elles sont décrites (propriété de la covariance).

L’équation d’Einstein s’écrit : Rmn - 1/2 gmn (R-2L) = 8 P G Tmn

Les gmn sont les composantes du tenseur métrique, Rmn les composantes du tenseur de Ricci entièrement déterminé quand on se donne les gmn ,  L est la fameuse constante cosmologique.

L’équation d’Einstein est une équation différentielle, locale, non linéaire, comprenant explicitement 10 équations. Le tenseur du premier membre rend compte de la courbure de l’espace-temps. Le tenseur du deuxième membre, appelé tenseur énergie-impulsion, rassemble toute l’information concernant l’énergie, la pression et la quantité de mouvement de la matière et des champs électromagnétiques. Les variations locales du tenseur métrique sont reliées à la distribution locale de la matière et de l’énergie sous toutes ses formes.

La relativité générale « façonne la scène sur laquelle elle se joue », ou encore selon le commentaire de J. Wheeler, « la courbure dit à la matière comment se mouvoir et la matière dit à l’espace-temps comment se courber »

Elle est une théorie (Ô combien !) prédictive et déterministe.

Toutefois elle ne prend pas en compte toutes les propriétés physiques de la matière et de l’énergie notamment celles correspondant à leur nature quantique.

 

La RG englobe la physique newtonienne, elle offre une description plus rigoureuse et au plus près de ce qui est observé et mesuré en astrophysique et en cosmologie. Au voisinage de la terre le coefficient  a = GM/Rc2 est de l’ordre de 10-9, alors qu’au voisinage du soleil, il est de 10-6 (effets relativistes plus marqués), au voisinage d’un pulsar voire d’un trou noir la RG seule rend compte des propriétés physiques de ces objets et de leur influence dans leur environnement puisque a est respectivement de 10-1 et voisin de 1.

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Principes et champ d’application de la Théorie Quantique des Champs.

 

La TQC, allie les propriétés de la physique quantique et de la relativité restreinte.

          Dans le cadre de la TQC un formalisme puissant a été développé et a été rationalisé grâce à l’exploitation des propriétés de symétrie globale ou locale (symétrie de jauge) censées gouverner le monde de la physique aux échelles quantiques. Ainsi on a pu aboutir à la construction d’un corpus théorique capable de décrire à la fois les trois interactions fondamentales :

1)     l’interaction électromagnétique,

2)     l’interaction nucléaire faible,

3)     l’interaction nucléaire forte (chromodynamique quantique).

La TQC acquiert le statut d’une théorie prédictive avec la découverte des bosons de jauge de l’interaction faible au cours des années 70-80 dont les propriétés physiques sont maintenant bien connues. Elle décrit très bien l’unification électrofaible mais semble incomplète à l’heure actuelle pour décrire valablement l’unification de l’interaction forte avec l’électrofaible.

Le modèle standard des particules élémentaires constitue un canevas dans lequel sont rassemblées les propriétés des particules élémentaires et des interactions fondamentales (hors interaction gravitationnelle) décrites dans le cadre de la TQC.

Ce modèle standard est certes imparfait mais il constitue un modèle de description de propriétés et d’objets qui servira de référence dans la communauté scientifique pendant encore longtemps.

 

          En T.Q.C de nombreux calculs aboutissent à des résultats prédisant des valeurs infinies. Grâce à la procédure de ‘renormalisation’ ces valeurs indiscernables sont levées mais elles affaiblissent la cohérence des capacités de prédiction de la TQC. Ces valeurs infinies empêchent de considérer la TQC comme une théorie ‘bien fondée’.

          Par exemple aujourd’hui, elle ne peut rendre compte du phénomène de l’oscillation des neutrinos ni de prédire qu’ils ont une masse aussi petite qu’elle soit. 

         

          La TQC est écrite dans le cadre d’un espace-temps fixé une fois pour toutes. Elle le voit comme la scène indéformable où se déroulent les phénomènes. Cet espace-temps n’a pas de courbure. Il est incompatible avec celui de la relativité générale. 

 

Particules élémentaires suffisantes à décrire la réalité physique ( excepté la gravitation)

 

Fermions : Tableau synthétique

Commençons notre introduction de la physique des particule, en passant en revue, les bases sur les constituants élémentaires de la matière. Selon le modèle standard de la physique des particules, bien établi aujourd’hui, les briques de base de la matière sont les quarks et les leptons, et on en connaît six ( cf table ci dessous).

 

 

 

Particule :                             Neutrino           Electron                   Quark                 Quark

 

Charge électrique

Q = 0

Q = -1

Q = +2/3

Q = -1/3

 

Famille 1

νe

e

u

d

Masse

< 5 eV

511 keV

2-8 MeV

5-15 MeV

 

Famille 2

νµ

µ

c

s

Masse

< 170 keV

106 MeV

1-1 .6 GeV

100-300 MeV

 

Famille 3

ντ

τ

t

b

Masse

< 24 MeV

1,78 GeV

170-190 GeV

4.1-4-5 GeV

 

Notons que comme les quarks sont confinés, la masse du quark n’est pas un paramètre défini de façon unique.

 

Comme on peut le voir les quarks et les leptons sont groupés naturellement en 3 familles,

 

Bosons de jauge : Tableau synthétique

 

Particule

Interaction

Masse

Charge électrique

spin

Photon

Electromagnétique

0

0

1

Boson Z0

Faible ( courant neutre)

91 Gev

0

1

Bosons W±

Faible ( courant chargé)

80 Gev

± 1

1

Gi, i=1,2,..,8 (gluons)

Forte

0*

0

1

Graviton (hypothétique)

Gravitationnelle

0

0

2

Boson de Higgs

Mécanisme de Higgs

> 90 Gev

0

0

 

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Niveaux de précision de ces deux théories.

R.G. : A ce jour la relativité générale a été vérifiée à 10-14 près. Ce niveau de précision a été atteint avec le calcul de la précession du périhélie du pulsar binaire PSR 1913+16 de Hulse et Taylor, constitué de deux étoiles à neutrons en orbite l’une autour de l’autre, l’une d’entre elle étant un pulsar. 

Avec le satellite ‘STEP’ on pourra affirmer avec une précision de 10-18 si l’égalité entre la masse grave et la masse d’inertie est vraie ou non.

Il n’existe pas d’observation qui contredise actuellement la relativité générale d’Einstein.

 

         T.Q.C. : est vérifiée avec une précision de l’ordre de 10-11.

 

Domaines de la physique où ces deux corpus sont muets (insuffisants).

     R.G. : Trous noirs ;

               L’Univers primordial.

La relativité générale ne peut rendre compte des effets quantiques attendus dans ces circonstances.

 

 

T.Q.C. : les concepts et le formalisme de la TQC sont incapables de décrire un comportement quantique de l’interaction gravitationnelle et encore moins de préconiser une procédure d’unification de l’interaction gravitationnelle avec les trois autres interactions fondamentales.

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Pourquoi ces deux corpus sont fondamentalement incompatibles ?

 

R.G. : ni le temps ni l’espace, ni l’espace-temps, ne sont donnés a priori. L’espace, le temps, la matière, l’énergie sont totalement interdépendants et sont associés dans une triade Matière (énergie)-Espace-Temps.

 

T.Q.C : L’espace-temps de Minkowski constitue la scène préétablie, indéformable dans laquelle on observe et décrit les phénomènes, les évènements ou les objets. Cet espace-temps n’a pas de courbure.

 

Cette différence constitutive engendre une grande part des incompatibilités entre les deux théories.

L’antagonisme TQC/RG conduit à une situation de crise et à des insuffisances auxquelles il faut remédier.

Il faut donc transcender l’opposition quantique/non quantique.

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Dépasser et englober ces deux corpus : les voies explorées.

 

                       Théorie des cordes ;

                       Gravité quantique ;

                       Géométrie non commutative (pour mémoire)

 

Examinons maintenant les préceptes fondateurs de ces nouvelles théories.

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La théorie des cordes

Elle ambitionne d’être unitaire c-à-d de décrire simultanément toutes les interactions de la physique. Elle généralise la TQC et repose sur deux hypothèses originales :

1)     Le cadre de la physique possède non pas quatre dimensions mais 10 ou 11

2)     Ses objets fondamentaux ne sont plus ponctuels mais des cordes à une dimension ou même des objets de dimensions arbitraires (branes).

L’hypothèse de la supersymétrie est comprise dans les développements actuels de la théorie des cordes = supercordes.

Il faut comprendre que l’hypothèse des dimensions supplémentaires est une hypothèse faisant le pari de la réalité de celles-ci. Des expériences sont programmées au futur LHC pour vérifier leur existence (ex : production de micros trous noirs ?)

Les cordes ne se différencient pas les unes des autres par leur composition. Elles sont toutes constituées pareillement. Elles se distinguent par leur configuration – manières de s’enrouler ou de se nouer – et leurs états de vibration comme les notes pour une corde de violon. Ces excitations d’enroulement ou de vibration sont quantifiées. Pour le physicien deux états de vibration différente lui font ‘voir’ deux particules différentes.  

Tout ce qui existe, matière, rayonnements, interactions est décrit en termes de cordes. Certaines cordes fermées décrivent la gravitation ! Ainsi le graviton de spin 2 est prévu sans aucune hypothèse supplémentaire dans le bestiaire des particules élémentaires et des bosons d’interaction.

Les termes infinis qui apparaissent dans la TQC disparaissent dans la théorie des cordes (voir figure 1 ci dessous)

Fig:Interaction entre deux particules en TQC et en Théorie des cordes.

Dans le cas de la TQC l’interaction est ponctuelle (vertex qui traduit une brisure de la trajectoire)  ce qui est source de problèmes ( infinis, ..) alors que pour des cordes l’interaction se fait en douceur , la section d’interaction ayant toujours une dimension finie et variant de façon continue élimine ces problèmes.

 

Les difficultés apparues au début de cette théorie constitues sa force maintenant (au début on pouvait construire plusieurs théories différentes sans pouvoir choisir une plutôt qu’une autre. La découverte des dualités a montré des convergences vers une théorie unique la Théorie-M dont celles des cordes n’en seraient que l’approximation.)

La difficulté du traitement de cette théorie est d’ordre mathématique, précisément géométrique. Les espaces de Calabi-Yau, espaces constitués des 6 petites dimensions repliées qui ressemblent à une variété, ont des possibilités géométriques (trop) extrêmement riches. Cette richesse constitue une réelle difficulté pour établir les correspondances entre propriétés physiques et propriétés géométriques ? (voir fig. 2)


Figure 2 : quelques représentations de l’enroulement des dimensions

Les théories des cordes considèrent l’espace-temps comme donné.

Au contraire la gravité quantique abandonne l’idée de tout cadre géométrique fixé.

 

Fig 3 : Dualité vibration enroulement

 

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La gravité quantique

Elle s’appuie sur les acquis de la RG, elle consiste en une démarche de quantification de la RG, selon la relation Matière = Courbure, et son objet est de considérer les états quantiques de la géométrie de l’espace-temps.

Donc elle aboutit au développement d’une géométrie quantique c’est-à-dire mettre en évidence des quanta d’espace-temps. Avec cette géométrie qui prévaudrait aux dimensions de Planck la notion de point disparaîtrait.

     Une quantification de la géométrie de l’espace-temps conduit à remplacer les grandeurs géométriques – longueurs et surfaces, durées, courbure… – par  des opérateurs ; puis à examiner leurs valeurs propres. C’est comme si on remplaçait une géométrie ordinaire par une géométrie fluctuante (voir figure 1, ci-dessous).

Fig 1 : écume d’espace temps

 

Toute de suite émerge la difficulté suivante : dans quel cadre décrire cette géométrie qui doit aboutir à l’espace-temps ? 

L’objet de la physique quantique que nous connaissons est la fonction d’onde de la particule, de l’objet quantique, (les attributs classiques : positions, vitesses, etc. n’ont plus de sens).

     L’objet de la gravité quantique est la fonction d’onde de la géométrie de l’Univers, que l’on note : y(A,E)  (les attributs classiques : distances, durées, courbures, etc. n’ont plus de sens.)

     Le détour par une interprétation ‘géométrodynamique’ de la relativité permet d’appliquer une procédure de quantification.

La détermination des  variables d’A. Ashtekar ont ouvert la voie à cette quantification dite canonique. Ces variables A et E qui préservent la covariance permettent de s’émanciper de la variable temps et des variables spatiales, ainsi que celles de Courbure et de Métrique. A est un terme de connexion à l’analogue du potentiel électromagnétique pour la gravitation, la courbure en dérive (comme le champ magnétique dérive du potentiel).

E (conjuguée de A) est définie à partir de la courbure de la partie spatiale elle joue un rôle analogue à celui d’un champ électrique.

Nous nous rapprochons du formalisme des théories de jauge, c’est un signe encourageant.

     Le cadre dans lequel on considère  y(A,E)  se constitue de l’ensemble de toutes les configurations géométriques (de l’espace-temps) possibles, exprimées par toutes les valeurs possibles de A et E.

     La résolution de tous les problèmes mathématiques, identifiées, permet d’aboutir à la théorie de la gravité en boucles ou en lacets.      

     Les résultats déjà obtenus (calcul de l’entropie et de la température d’un trou noir S=Akc3/4hG, T=hc3/8pkGM) permettent de considérer le succès de cette démarche comme déjà équivalent à celui de la théorie des cordes. 

     Les promoteurs de cette théorie (L. Smolin, C. Rovelli, et al) considèrent qu’il y a la possibilité d’une vérification expérimentale dans les prochaines années avec les rayonnements émis par les sursauts gamma… (Voir figure 2, ci-dessous).

 

 

 

Fig 2 : Test de la gravité quantique

 

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Références bibliographiques.

 

     ‘Au-delà de l’espace et du temps’ de M. Lachièze-Rey ;

     ‘La nature de l’espace et du temps’ de S. Hawking et R. Penrose ;

     ‘ L’esprit, l’ordinateur et les lois de la physique’ de R. Penrose ;

     ‘Pour la Science’, juin 2004, art. de G. Vénéziano ;

                                 janvier-avril 2003, art. de M. Lachièze-Rey ;

                                 février 2004, art. de L. Smolin ;