Mise à jour le 30 Mai 2016
CONFÉRENCE DE LUC BLANCHET
Du GRECO (Gravitation et Cosmologie) , IAP
«LA
DÉTECTION DES ONDES GRAVITATIONNELLES»
Organisée par la SAF
Dans ses locaux, 3 rue Beethoven, Paris XVI
Le Samedi 28 Mai 2016 à 15H00
à l'occasion de la réunion de la Commission de Cosmologie.
Photos : JPM pour l'ambiance. (Les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur. Voir les crédits des autres photos si nécessaire
(Le conférencier a eu la gentillesse de nous donner sa présentation complète (en pdf) elle est disponible sur le site de la commission et
également disponible sur ma liaison ftp au téléchargement et s'appelle. Blanchet-detectOG-SAF.pdf elle est dans le dossier COSMOLOGIE SAF de la saison 2015-2016).
Ceux qui n'ont pas les mots de passe doivent me contacter avant.
Pour info les actualités cosmo présentées ce jour là sont aussi disponibles sur le site de la commission.
BREF COMPTE RENDU
Merci à ceux qui sont venus malgré les problèmes posés au niveau approvisionnement essence.
Luc
Blanchet, directeur de recherche en physique théorique à l'Institut
d'Astrophysique de Paris (CNRS/UPMC), est l'un des lauréats du «
Special Breakthrough Prize In Fundamental Physics
» attribué pour la détection des ondes gravitationnelles, ce qui
confirme la prédiction faite par Albert Einstein il y a 100 ans.
Le
prix a été décerné pour un tiers aux trois physiciens fondateurs de
l'expérience d'ondes gravitationnelles Laser Interferometer
Gravitational-Wave Observatory (LIGO) : Ronald Drever, Kip Thorne et
Rainer Weiss,
et, pour les deux tiers, aux 1005 membres de la collaboration
expérimentale LIGO, qui sont tous et toutes auteur-e-s de l'article de
la découverte paru dans Physical Review Letters ; ainsi qu'à sept
chercheurs extérieurs à la collaboration LIGO dont les travaux
importants ont contribué au succès de l'expérience.
Parmi ces derniers, il y a deux chercheurs français, Luc Blanchet et Thibault Damour, professeur à l'IHES. L'activité de recherche de Luc Blanchet est
principalement centrée sur la théorie du rayonnement gravitationnel.
Il
étudie en particulier le problème de l'émission des ondes
gravitationnelles par des systèmes binaires d'étoiles à neutrons ou de
trous noirs dans le cadre de la relativité générale.
Ces
prédictions sont directement utilisées dans l'analyse du signal d'ondes
gravitationnelles dans les expériences LIGO et VIRGO.
Luc Blanchet a reçu le prix Langevin de l'Académie des Sciences, et il est membre correspondant du Bureau des Longitudes.
Il est aussi président du groupe de Physique Fondamentale du CNES.
Il nous parle ce soir de la détection des Ondes Gravitationnelles et nous sommes particulièrement heureux de l’accueillir!
La
mise en évidence des Ondes Gravitationnelles ouvre une nouvelle
astronomie qui est complémentaire de l’astronomie basée sur le
rayonnement électromagnétique. On s’attend à
de nouvelles découvertes dans ce domaine.
Les
propriétés des Ondes Gravitationnelles sont un peu analogues à celles
des ondes sonores, leurs sources d’émission sont généralement invisibles
en rayonnement
électromagnétique.
COURT HISTORIQUE.
Luc Blanchet procède ensuite à un court historique des théories qui ont mené aux Ondes Gravitationnelles :
·
Transformation de Lorentz
·
Rôle de Poincaré
·
Les idées d’Einstein
·
Les mesures de Fizeau et de Michelson et Morley
Tout ceci menant au principe d’équivalence d’Einstein : Égalité entre masse inertielle et masse pesante.
Menant ensuite à la théorie de la Relativité Générale en 1915.
Les premières indications de l’existence d’Ondes Gravitationnelles viennent de la découverte du pulsar 1913+16 par Hulse et
Taylor : (PSR 1913+16
: pulsar binaire : couple de 2 étoiles à neutrons) avec modulation de
l'émission de l'ordre de 8 heures, prouvant ainsi que c'est bien un
système double.
Ces
ondes gravitationnelles emportent de l'énergie, et donc le système
binaire constituant le pulsar, perd de l'énergie et l'orbite en est
modifiée, les deux étoiles se
rapprochent l'une de l'autre. Mais alors l'accélération augmente (loi de
Kepler) et les ondes gravitationnelles sont émises de nouveau, les
orbites se resserrent et le processus recommence.
Hulse
et Taylor prétendent qu'il émet des ondes gravitationnelles et que donc
qu’ils devraient perdre de l'énergie, ce qui a été confirmé par la
courbe ci-contre montrant la diminution de la période orbitale sur 20
ans (perte de 3mm par orbite de 8h!).
Hulse et Taylor obtiennent le prix Nobel pour cela en 1993.
La précision :
Le
graphique représente l'influence sur la période du premier pulsar
binaire découvert par Hulse et Taylor le Pulsar PSR 1913+16.
Les résultats de rétrécissement de l'orbite sont conformes au calcul de la RG et ont donc ainsi confirmé l'existence de ces OG.
LES ONDES GRAVITATIONNELLES.
Rappelons
que les ondes gravitationnelles sont une déformation du tissu de
l'espace-temps qui se propage à la vitesse de la lumière.
Elles ont été prédites par Einstein en 1916.
C'est une manifestation de la courbure de l'espace-temps.
Elles sont engendrées par l’accélération de la matière.
La
longueur d’onde de l’onde émise est très grande par rapport à la taille
de la source, 50 UA pour le pulsar précédent par exemple.
Formules
donnant les amplitudes des Ondes Gravitationnelles, on remarque que la
distance D à l’objet compact est incluse dans la formule, donc, mesurer
l’amplitude, donne la
distance qui nous sépare de l’objet.
Les ondes ont deux états de polarisation
Le
principe de détection
a déjà été décrit dans ces colonnes : il est basé sur l’interférométrie Laser, on mesure la déformation (minime 10-21 !!!) de la longueur des bras.
Ce sont les instruments LIGO, VIRGO et GEO qui sont pour le moment en service ou vont l’être bientôt.
Leur gamme de fréquences de détection : 10Hz à 1000Hz.
Plus tard on compte mettre au point un
réseau mondial
de détecteurs.
Caractéristiques
des détecteurs LIGO/VIRGO, la courbe noire correspond à la demande du
cahier des charges, on voit que l’on est en dessous dans la plupart des
cas.
On atteint des niveaux de précision incroyable.
La
partie gauche de la courbe correspond au bruit sismique, la partie
centrale au bruit thermique et à droite le bruit électronique du Laser
(Shot noise ou bruit de Shottky).
Prochaine étape : dans l’espace avec
l’expérience eLISA,
trois détecteurs situés à une énorme distance entre eux pour permettre
de détecter des gammes de fréquences beaucoup plus faibles (10-4Hz à 10-1Hz) permettant de détecter tous types de sources très massives d’Ondes Gravitationnelles.
Comme la coalescence de trous noirs super massifs, une étoile à neutrons qui tourne autour d’un trou noir etc…
L’ÉVÈNEMENT DU 14 SEPTEMBRE 2015.
Nous avons déjà rapporté cet évènement, voir
cet astronews.
Voilà
les signaux détectés pour les deux LIGO. Diagramme donnant l’évolution
de la fréquence avec le temps. Dans le cas d'une onde gravitationnelle,
la montée en fréquence du
signal est caractéristique d'une coalescence de deux objets compacts.
Graphe du haut : le signal brut observé par le détecteur LIGO situé à Hanford, en unité de 10-21 fois la variation relative de longueur des bras de
l’interféromètre.
Soit 10-18m en variation de longueur du bras !!!
Graphe
du bas : les deux signaux observés sur les deux sites de Hanford et
Livingstone. Les temps d'arrivée des deux signaux sont séparés de 7
millisecondes.
En
bleu est montré un ajustement des données par une somme d'ondelettes
(une description mathématique du signal, mais qui n'est pas physique) et
en cyan le meilleur « gabarit
» d'onde gravitationnelle qui représente la prédiction physique issue de
la relativité générale. Meilleure définition si clic sur l’image.
Mais ce qui est aussi intéressant est le fait que ces signaux donnent une idée de la masse et du spin des objets
(m1 et m2) comme on le voit sur la courbe.
Le
graphe de gauche indique les probabilités de la masse de chaque trou
noir, soit 36 fois la masse solaire pour m1 (en horizontal), et 29 fois
pour m2 (en vertical), avec une
incertitude d’environ 4 masses solaires pour chacun.
On le voit mieux
sur cette courbe.
Le graphe de gauche indique le spin (ordonnées) de l’objet final (abscisses)
Les animations de la coalescence des deux trous noirs se trouvent dans
ce CR sur ce site.
La longueur d’onde associée au trou noir résultant est de l’ordre de 2000km.
On
a représenté sur ce graphe, les trois phases de la coalescence des deux
trous noirs et les méthodes utilisées pour les calculs.
1ère phase : phase spiralante par calcul post newtonien (PN) en pointillés rouge.
2ème phase : la fusion des deux objets compacts, par calcul en relativité numérique. (bleu)
3ème phase : la relaxation en trait bleu.
Tous ces énormes calculs ont permis d’arriver à une détection positive grâce à la relativité numérique.
Ce sont des méthodes d’approximation permettant de résoudre des problèmes complexes.
On voit ici notre conférencier en train de nous présenter une approximation PN de degré 3,5.
LES APPROXIMATIONS POST NEWTONIENNES (PN).
Le texte qui suit est en partie tiré de l’article IAP publié au moment de la détection LIGO :
« Dans
la phase initiale spiralante, les objets compacts sont assez éloignés
l'un de l'autre,
leur vitesse orbitale est faible par rapport à la vitesse de la lumière,
et le système peut être modélisé par deux masses ponctuelles. L'onde
gravitationnelle est alors calculée grâce à l'approximation dite «
post-newtonienne », qui est un développement de la relativité générale
lorsque la vitesse des corps est petite par rapport à la vitesse de la
lumière. Dans cette limite, la relativité générale se ramène à la
théorie de Newton. L'approximation post-newtonienne a été à la base de
quasiment tous les
succès de la relativité générale quand il s'agissait de comparer ses
prédictions avec les observations (avance du périhélie de l'orbite de
Mercure, déviation de la lumière par le Soleil, etc.). Dans le cas des
ondes gravitationnelles émises par les binaires compactes spiralantes,
l'approximation post-newtonienne consiste à développer le signal au-delà
de la formule du quadrupôle d'Einstein. Il s'est avéré nécessaire de
développer cette approximation jusqu'à un très haut niveau de
précision….
La
méthode post-newtonienne n'est plus valable lorsque les deux trous
noirs entrent en contact
et fusionnent. Pour la phase de fusion la prédiction théorique de la
relativité générale doit être obtenue par d'énormes calculs numériques
sur ordinateur. Pendant longtemps, les calculs numériques ont constitué
un véritable défi pour les physicien-ne-s, mais ils ont finalement
abouti en 2005. En revanche, ces calculs numériques sont inadaptés dans
la phase spiralante à cause de temps de calcul extrêmement long. Les
physicien-ne-s disposent donc maintenant de la solution numérique «
exacte » pour la phase
de fusion, ainsi que pour la phase de relaxation.
La
solution numérique se raccorde avec une grande précision à la solution
post-newtonienne
décrivant la phase spiralante. D'autres méthodes analytiques ont aussi
été développées, qui reviennent à remplacer le problème physique réel à
deux corps (grâce à des techniques de « resommation » de la série
post-newtonienne) par un problème plus simple dit « effectif à un corps »
(« effective one body », ou « EOB »).
Cette
approche a été confirmée et améliorée par les calculs numériques sur
ordinateur. L'analyse
des données des expériences comme celle de la collaboration LIGO/VIRGO
exploite ce type de solution effective, qui est très utile en pratique
car elle permet d'explorer en temps réel, c’est-à-dire au moment de la
détection, une grande région de l’espace des paramètres (notamment les
masses des trous noirs).
C'est
donc grâce à la combinaison de la méthode analytique d'approximation
post-newtonienne,
extrêmement précise pour les grandes séparations orbitales mais cessant
d'être valable au moment de la fusion, et de calculs numériques exacts
dans les phases de fusion et de relaxation, qu'est résolu le problème de
la coalescence de deux objets compacts en relativité générale.
C'est la solution de ce problème qui est utilisée pour la recherche et l'analyse du signal des
ondes gravitationnelles.
Dans
le cas de trous noirs massifs comme pour GW150914, la plus grande
partie de la détection
intervient lors de la phase de fusion des trous noirs et la prédiction
numérique joue donc le rôle le plus important. On n'observe en effet
qu'une dizaine de cycles orbitaux avant la coalescence. Dans le cas de
trous noirs moins massifs, ou alors de systèmes binaires d'étoiles à
neutrons (une source d'ondes gravitationnelles que les physicien-ne-s
sont certain-e-s d'observer au moins une fois par an avec LIGO, grâce
aux décompte des pulsars doubles dans notre galaxie), les détecteurs
seront très sensibles
lors de la phase spiralante, qui comprendra des milliers de cycles
observables, et l'approximation post-newtonienne jouera un rôle
déterminant.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Trous noirs et ondes gravitationnelles : CR conf SAF d’Éric Gourgoulhon du 10 Fev 2016
Les tests de la Relativité Générale : CR SAF (cosmologie) par G Esposito-Farese du
18 Janv 2016
Première détection directe des ondes gravitationnelles par Nicolas Arnaud du LAL et
d’IN2P3
La relativité générale et la spirale infernale des étoiles binaires compactes par Luc
Blanchet.
Théorie et détection du rayonnement gravitationnel par Luc Blanchet
Itération post-Newtonienne du champ de gravitation d’un système isolé en Relativité Générale thèse d’Olivier
Poujade
OG et calcul de la force propre pour un astre compact en mouvement autour d’un TNSM thèse de Patxi Ritter Uni
d’Orléans
Annonce de la découverte des Ondes Gravitationnelles dans cet astronews.
Introduction to post-Newtonian theory
par Éric Poisson.
Post-Newtonian Approximation par Piotr Jaranowski
La détection du rayonnement gravitationnel par l’IAP.
Les ondes gravitationnelles par Astrodom.
Les cours de Th Damour de l’IHES en vidéos.
Jean Pierre Martin SAF Président de la Commission de Cosmologie
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