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Autour de Robertson-Walker

Ce document est la reprise du document « Autour de Robertson Walker » extrait de DEA CPM – Cosmologie -2001-2002 par Christophe Balland et Alain Bouquet

Les formules qui étaient peu lisibles ont été ré-écrites. On peut consulter l’original en : http://cdfinfo.in2p3.fr/Culture/Cosmologie/cosmogeo.html

J. Fric endosse l’entière responsabilité des erreurs que sa transcription aurait pu introduire.

 

Préalables

La théorie du Big-Bang repose sur l’hypothèse que l’espace-temps a une structure métrique déterminée par le contenu matériel de l’univers via l’équation d’Einstein de la relativité générale. On considère implicitement que la gravitation est la seule force dominante à l’échelle cosmique (ce qui est probable car des forces électromagnétiques importantes perturberaient le rayonnement de fond cosmologique). Friedmann montra en 1922 que cela conduit à un univers en évolution, dont la partie spatiale est en expansion ou en contraction. Si on extrapole dans le passé l’expansion actuellement observée, on en déduit l’existence d’une phase extrêmement dense et chaude, le Big-Bang. Deux remarques liminaires:

1) L’expansion de l’univers est une expansion de l’espace entre les galaxies. Ce n’est pas une explosion dans laquelle les galaxies s’éloigneraient du centre de l’explosion (bien qu'une telle explosion dont nous serions le centre conduise naturellement à une relation Vitesse µ Distance comme l'a indiqué Milne en 1934).

2) L’équation d'Einstein, équation locale, ne nous dit rien de la structure globale de l'univers et de sa topologie. Les théoriciens préfèrent souvent un espace-temps simplement connexe et fini sans bord par souci esthétique, mais rien n'interdit que l'univers ait une topologie analogue à un tore. Dans ce cas on reçoit d'une étoile ou d'une galaxie les rayons venus directement, mais aussi des rayons ayant effectué 1, 2, 3, etc. tours du tore, et cela dans toutes les directions. Bien entendu, plus le trajet est long et plus les rayons sont affectés (absorption, décalage vers le rouge, etc.) et plus la source est vue telle qu'elle était dans un passé plus lointain, ce qui rend problématique l'identification des images multiples du même objet. L'image suivante (empruntée à J.P. Luminet) montre comment un univers réduit – mais dont la topologie torique permet un nombre infini d'images des mêmes étoiles et galaxies – peut apparaître comme infini à l'observateur :

On comprend facilement pourquoi en 2 dimensions, où un tore est un rectangle dont les côtés opposés sont identifiés :

Isotropie et homogénéité

Les observations de la distribution des étoiles sur le fond du ciel montrent une très forte concentration dans le plan de la Voie lactée. L'image suivante indique la répartition – en coordonnées galactiques –des étoiles répertoriées par le catalogue de l'US Naval Observatory, la couleur du bleu au rouge et au jaune indiquant la densité d'étoiles :

Il est immédiatement apparent que la densité d'étoiles est très grande vers le centre galactique et reste importante sur l'axe horizontal (le disque de notre galaxie). Les zones sombres près du plan du disque correspondent à des bandes de poussières interstellaires absorbant le rayonnement optique des étoiles (et le réémettant dans l'infra-rouge). Une image infra-rouge (prise par l'instrument Dirbe du satellite Cobe) les montre bien :

A l'échelle des quelques kiloparsecs d'une galaxie, l'univers n'est donc pas du tout homogène. Les galaxies sont-elles réparties uniformément dans l'univers. Ce n'est pas flagrant, puisque beaucoup de galaxies se rassemblent en amas pouvant contenir des centaines, voire des milliers, de galaxies. En voici un exemple, pris par le télescope spatial Hubble, montrant un amas regroupant des galaxies de toute taille et de toute nature (on reconnaît des spirales vues sous différents angles et des elliptiques) :

La taille de ces amas est de l'ordre de quelques mégaparsecs. Observe-t-on une uniformité de la distribution de la matière au-delà ? Effectivement. On peut l'observer de différentes façons. Si la distribution en 3 dimensions est homogène à partir d'une certaine échelle, cela se traduit sur une projection en 2 dimensions (le fond du ciel) par une chute brutale de la fonction de corrélation angulaire w(q), qui traduit l'excédent de probabilité d'observer une galaxie à une distance angulaire q d'une autre (excédent par comparaison avec une distribution uniforme). Le résultat suivant de Maddox et al. en 1990 (APM Survey) montre bien cela :

Il semble aussi montrer que la corrélation chute moins vite que le prévoit un modèle théorique de formation des galaxies à partir de fluctuations primordiales, modèle dit de la matière noire froide ou CDM, représenté par la courbe sur le graphique.

Mais il est plus sûr de comparer les distributions de galaxies en 3 dimensions, ce qui nécessite une connaissance de leur distance. Pour cela, on utilise en général plutôt leur décalage vers le rouge z dont on déduit la distance D par application de la relation de Hubble c.z = H0.D . Il faut rassembler un échantillon de plusieurs centaines de galaxies pour s'affranchir d'erreurs dues aux fluctuations statistiques. Il faut également effectuer un sondage profond pour ne pas être sensible aux mouvements propres des galaxies qui se superposent au "flux de Hubble", l'expansion générale. Les mouvements propres des galaxies étant de quelques centaines de km/s, il convient de choisir un échantillon de galaxies de vitesses apparentes de plusieurs milliers de km/s, soit z >> 10-3. Enregistrer le spectre de plusieurs centaines de galaxies lointaines est très coûteux en temps de télescope, et les premières études importantes n'ont pu être faites que dans les années 1980. Les premiers résultats du CfA Survey (de Lapparent et al., ApJ302-L1 [1986]) ont beaucoup surpris en indiquant la présence de structures s'étendant sur des dizaines de Mpc :

La "tranche d'univers" du CfA Survey

Cette carte montre surtout l'amas de Coma, et des sondages plus profond ont été accomplis comme le Las Campanas Redshit Survey (LCRS, Shectman et al. ApJ470-172 [1996]) qui a 20 fois plus de galaxies dans un volume 6 fois plus profond :

La répartition semble plus uniforme, mais ces sondages se limitent par la force des choses à de petites tranches de l'univers de 1 degré d'épaisseur. Le satellite d'observation infrarouge IRAS a, lui, pu mesurer la distribution en profondeur des galaxies sur toute la surface du ciel :

La figure précédente montre l'approche vers l'homogénéité quand le volume observé augmente : la première carte montre un net regroupement des galaxies en amas, moins apparent sur la seconde carte, plus profonde, et absent sur la troisième, encore plus profonde.

Enfin, la meilleure indication d'une isotropie de l'univers (par opposition à une homogénéité) vient de l'observation du fond de rayonnement micro-ondes (CMB) par le satellite Cobe, qui indique une isotropie de 10-5 de la température du fond du ciel sur des échelles angulaires de quelques degrés :

L'anisotropie "dipolaire" de 10-3 sur une échelle de 180° est attribuée au mouvement relatif de la Terre (effet Doppler).

Admettons donc que l'univers est isotrope en première approximation, vu de la Terre. Si l'on admet également que la Terre n'est pas un point privilégié dans l'univers (ce que l'on appelle parfois le Principe de Copernic), cette isotropie doit aussi être observée d'un autre point de l'univers, et elle implique en ce cas l'homogénéité de l'univers. Regardons en effet le schéma suivant : depuis le point en bas à gauche, on voit identiques les points A, B et C. Depuis le point en haut à droite, on voit identiques les points A, D et C. L'univers est donc identique aux points B et D, et donc en tous les points situés entre les deux arcs de cercles, et de proche en proche en tous les points. Il est donc homogène.

Cependant, l'homogénéité n'implique pas l'isotropie. On peut fort bien imaginer une expansion anisotrope, où la vitesse d'expansion serait plus grande dans certaines directions que dans d'autres, mais qui conserverait une densité uniforme au cours de cette expansion.

 

La métrique de Robertson-Walker

Le principe cosmologique est l’hypothèse selon laquelle l'univers est identique en tout point de l'espace (homogène et isotrope). Le principe cosmologique parfait ajoute qu'il est le même à tout instant, conduisant à la théorie de l’état stationnaire, mais cela semble contraire aux observations montrant une évolution dans la nature des galaxies, ou dans la densité des quasars. Le principe cosmologique n’est pas sans ambiguïté: un univers isotrope pour un observateur ne l’est pas pour un autre en mouvement relatif (même uniforme) par rapport à lui. D’autre part, nous avons vu que ce n’est qu’à une très grande échelle que l’univers semble isotrope aujourd’hui.

Le principe cosmologique est une hypothèse si forte qu’elle suffit à déterminer la métrique de l’espace-temps. Cette métrique, due indépendamment à Robertson et à Walker, est postérieure aux travaux de Friedmann sur les univers homogènes (généralisés par Eddington et Lemaître). Si l’univers est isotrope autour d’un point, tous les observateurs équidistants de ce point doivent observer les mêmes valeurs pour la densité, la température, la pression, la composition chimique, la vitesse d’expansion… Si l’univers est isotrope en tout point, tous les observateurs observent ces mêmes valeurs (homogénéité). Il existe alors dans l’espace-temps des hypersurfaces à 3 dimensions où ces propriétés locales ont la même valeur, une "foliation" de l’espace-temps en sous-espaces de symétrie maximale. La normale à ces hypersurfaces, du genre temps, définit le "temps cosmique" t. Le schéma suivant montre symboliquement un tel espace-temps que l'on peut découper en hypersurfaces de densité uniforme :

Ce temps cosmique universel est le temps propre des observateurs "fondamentaux" (introduits par Milne), observateurs qui se déplacent avec le mouvement d'ensemble des galaxies et qui synchronisent leurs horloges par la valeur de la densité universelle (par exemple). La métrique peut alors s'écrire sous la forme :

ds² = dt² - a²(t) g0ij dxi dxj

la dépendance temporelle de la partie spatiale de la métrique a été explicitée. On dit que la métrique est écrite dans la jauge synchrone, ce qu'il est d'ailleurs toujours possible (mais pas toujours judicieux) de faire quelle que soit la géométrie. Notons bien que le système de coordonnées de ces observateurs fondamentaux n'est nullement un espace-temps de Minkowki (décrit par des coordonnées "lorentziennes"), puisqu'ils sont en mouvement relatif les uns par rapport aux autres. Le schéma suivant, emprunté à Wright, montre la différence. Chacun de ces diagrammes d'espace-temps montre, en 2 dimensions, les lignes d'univers parcourues par les galaxies au cours du temps, les cônes de lumière attachés à chacune, et le cône de lumière passé de l'observateur situé au centre du diagramme.

Coordonnées synchrones Coordonnées lorentziennes

Le diagramme de droite indique que les observateurs lorentziens, immobiles les uns par rapport aux autres, ne voient pas les galaxies au même temps cosmique (les hyperboles grisées). Pour eux, aucune galaxie ne s'éloigne plus vite que la vitesse de la lumière, alors que les observateurs fondamentaux à gauche n'observent aucune limite à la vitesse de récession.

Plutôt que les coordonnées physiques a(t) xi qui convergent ici pour t ® 0 et rendent le diagramme peu lisible, il est plus pratique de porter en abcisse directement les coordonnées xi, qu'on appelle les coordonnées comobiles. Le cône de lumière passé s'élargit alors beaucoup, et il est pratique d'élargir les intervalles temporels en s'approchant de t = 0 . Une façon élégante de le faire est d'effectuer le changement de variable ® h tel que dh = dt/ a(t),  qui permet de réécrire la métrique dans la jauge conforme :

ds² = a²(t) [ dh² - g0ij dxi dxj ]

Le premier diagramme d'espace-temps ci-dessus prend alors l'aspect suivant en coordonnées comobiles (à gauche) et en coordonnées conformes (à droite) :

Coordonnées comobiles Coordonnées conformes

Reste dans tous les cas à établir la forme de la partie spatiale g0ij dxi dxj  de la métrique. On peut faire appel à la théorie mathématique des espaces de Riemann homogènes (isométries, vecteurs de Killing, etc.), ou procéder plus intuitivement.

Il n'est pas très difficile de trouver la métrique d'un espace à 3 dimensions {x,y,z} de courbure positive constante. Un tel espace est en effet une 3-sphère qu'il est possible d'enchâsser dans un espace euclidien à 4 dimensions {x,y,z,w} dont la métrique est simplement donnée par dl² = dx²+dy²+dz²+dw². Passons en coordonnées sphériques {R,c,q,j} données par :

w = R cosc

z = R sinc cosq

x = R sinc sinq cosj

y = R sinc sinq sinj

La métrique en 4 dimensions d'espace est alors donnée dans ces coordonnées par :

dl² = dR² + R² [ dc² + sin²c (dq² + sin²q dj²) ]

dont la restriction à la sphère de rayon R nous donne la géométrie de l'espace courbe à 3 dimensions :

g0ij dxi dxj  = dc² + sin²c (dq² + sin²q dj²) , c Î [0,p], q Î [0,p], j Î [0,2p]

La métrique d'un espace de courbure nulle (euclidien !) est simplement donnée par :

g0ij dxi dxj  = dc² + c ²(dq² + sin²q dj²) , c Î [0,¥], q Î [0,p], j Î [0,2p]

et celle d'un espace de courbure constante négative par :

g0ij dxi dxj  = dc² + sinh²c (dq² + sin²q dj²) , c Î [0,¥], q Î [0,p], j Î [0,2p]

En 1922, Friedmann a utilisé la forme ci-dessus pour un espace de courbure positive, mais quand il a étudié en 1924 le cas d'une courbure négative il a utilisé la forme :

 g0ij dxi dxj  = [dx²+dy²+dz²]/z²,  dont l'isotropie n'est pas évidente…

On rassemble souvent les métriques correspondant aux trois genres possibles de courbures sous l'écriture unique :

g0ij dxi dxj  = dc² + Sk²(c) (dq² + sin²q dj²) :

 en définissant S-1(c) = sinc (courbure négative k=-1), S0(c) = c (courbure nulle k=0) et Sk(c) = shc (courbure positive k=+1). Les coordonnées comobiles c, q et j sont sans dimension. Les 3 géométries possibles de courbure constante sont symbolisées ici :

La métrique de Robertson-Walker complète est donc :

ds² =gmn dxm dxn  = dt² - a²(t) [dc² + Sk² (c )(dq² + sin²q dj²)],

On peut noter que cette métrique est invariante par translation et rotation (ce qui est normal pour la description d'un univers homogène et isotrope), mais pas par transformation de Lorentz (il existe un repère privilégié pour les vitesses).

On utilise souvent, au lieu de c, comme coordonnée radiale r = Sk(c) Þ dc = dr. (1-kr²)-1/2 

et alors :

ds² = dt² - a²(t) [dr². (1-kr²)-1 + r²(dq² + sin²q dj²)],

Le "paramètre d'échelle" ou "facteur d’échelle" a(t) relie les coordonnées "comobiles" {r,q,j} ou {c,q,j} à la distance physique des objets. Sa variation au cours du temps est déterminée par la théorie de la gravitation (la relativité générale est généralement choisie) et par le contenu matériel de l’univers à chaque instant (plus précisément par l’équation d’état de la matière).

Un objet dont les coordonnées {c,q,j} restent constantes au cours du temps est immobile, abstraction faite de l’expansion générale de l’univers incluse dans le facteur d’échelle a. Le temps cosmique t est le temps propre d’un objet comobile. Si ses coordonnées comobiles changent (cas des galaxies), il est animé d’un mouvement propre qui se superpose au mouvement général d’expansion.

La métrique de Robertson-Walker n’est une bonne description de l’univers que dans la mesure où il est homogène et isotrope. Par conséquent, elle ne s’applique pas à petite échelle, là où la densité varie beaucoup: près d’une étoile, la métrique est ainsi plus proche de celle de Schwarzschild.

Les modèles statiques

Le modèle d'Einstein de 1917

Einstein souhaitait construire un modèle d'univers homogène, isotrope et statique. Ce n'était pas seulement parce que c'était plus simple : les observations de l'époque suggéraient un univers d'étoiles limité pour l'essentiel à la Voie lactée, et les mouvements des étoiles ne dépassaient pas quelques dizaines de km/s et ils étaient donc négligeables en première approximation. En ce plaçant dans la jauge synchrone (celle où les observateurs fondamentaux synchronisent leurs horloges et où goi = 0) on a simplement ds2 = dt2 - dl2. Pour un univers de courbure spatiale positive (une 3-sphère, univers fermé sans bord plaisant à Einstein), la partie spatiale peut se calculer en enchâssant la 3-sphère dans un espace euclidien à 4 dimensions comme nous l'avons vu, et la métrique complète s'écrit donc :

ds² = dt² - R² [ dc ² + sin²c (dq² + sin²q dj²) ]

Dans la limite c ® 0 on retrouve la métrique de Minkowki en effectuant le changement de variable r = Rc et l'univers d'Einstein redonne bien celui de Minkowki à courte distance. La difficulté vient quand cette métrique est insérée dans l'équation d'Einstein:

 Rmn - (1/2)R. gmn = 8 p G Tmn. Comme on le verra plus loin, cela donne deux équations, dont l'une relie le rayon de courbure R à la densité de matière r :

1/R²  =  4pGr  (avec c=1)

ce qui est très satisfaisant dans une philosophie inspirée de Mach où l'inertie est liée à la distribution des masses. La seconde équation, par contre, est insoluble pour de la matière ordinaire :

4pG ( r +3p) = 0

Ici la densité r comme la pression P sont positives. Il n'y a donc pas de solution. C'est pour cela qu'Einstein a introduit une constante cosmologique dans son équation. Cette constante L se comporte comme une matière bizarre de pression négative P = -L/8pG (et de densité positive r = L/8pG).

Grâce à ce terme, une solution est possible en choisissant la valeur précise L = 4pG r .

Malgré le caractère un peu ad hoc de cette solution, Einstein n'en était pas si mécontent puisqu'elle reliait la constante cosmologique, le rayon de courbure et la densité moyenne de l'univers : R = ( 4pGr) -1/2              ( avec c= 1)

Cependant, Lemaître puis ensuite Eddington allaient démontrer le caractère instable de cette solution. A posteriori, c'est normal : la constante cosmologique agit comme une force répulsive tendant à dilater l'univers d'Einstein tandis que la densité (et la pression) tendent à le contracter. On peut ajuster la constante pour équilibrer ces deux actions antagonistes, mais si la constante cosmologique est juste insuffisante, une contraction commence, qui augmente la densité et rend la constante cosmologique encore moins suffisante, ce qui accélère la contraction sans limite. Inversement, une constante un peu trop forte entraîne une dilatation qui réduit la densité, et le mouvement s'accélère.

Le modèle de de Sitter de 1917

Mais Einstein avait déjà été très affecté par une autre solution "statique" à son équation, celle obtenue presque immédiatement par de Sitter pour un espace vide de matière mais avec une constante cosmologique non-nulle. La solution de de Sitter correspond à la métrique :

ds² = cos²c dt² - R² [ dc  ² + sin²c (dq² + sin²q dj²) ]

le rayon de courbure est aussi déterminé par la constante cosmologique : R² =3/L.  La géométrie est "statique", ce qui est normal puisque l'espace-temps est déterminé par une constante. Au grand dam d'Einstein, cela brisait la relation entre géométrie et distribution de matière qu'il pensait essentielle à sa théorie. La métrique est aussi invariante sous les transformations de Lorentz et aucun référentiel privilégié n'existe pour les vitesses.

 

Redshifts et horizons

La ligne q = Cte, j = Cte est une géodésique, et la distance parcourue par un rayon lumineux depuis l'instant t1 jusqu'à l'instant t0 le long de cette géodésique est donnée par:

ds² = 0 Þ = a(t) dc = dt Þ = c0 — c1 = ò dt/a(t)

Pour calculer cette intégrale, il faut connaître l'évolution temporelle du paramètre d'échelle a(t), donc la dynamique, mais même sans cela nous pouvons explorer les notions de redshift, d’horizon et les diverses distances.

Redshift

Dans un univers statique, une onde est émise et reçue à la même longueur d’onde, sauf si la source et le récepteur sont en mouvement relatif (effet Doppler). Mais dans un univers en expansion, les longueurs d’onde se dilatent comme les autres longueurs: on observe un changement de longueur d’onde même si source et récepteur sont statiques (en coordonnées comobiles c).

En effet, si une source envoie des signaux espacés de dt1 lors de l'émission, ils seront espacés de dt0 à la réception car:

= òt1t0 dt/a(t) = c0 — c1 = òt1+dt1t0+dt0 dt/a(t) = òt1t0 dt/a(t) -dt1/a(t1)+ dt0/a(t0)

D'où un décalage de longueur d'onde l1 = c . dt1  ® l0 = c. dt0 donné par:

-dt1/a(t1)+ dt0/a(t0) =0 Þ l0/l1 = a(t0)/a(t1)

Les longueurs d’onde se dilatent exactement comme toutes les autres longueurs, et on définit le "redshift" z par:

z = ( l0 - l1 ) / l1 = a(t0)/a(t1 ) -1

Si z > 0 (l0 > l1) c'est un décalage vers le rouge (redshift), si z<0 un blueshift. Un univers en expansion, où a(t) augmente au cours du temps, implique un redshift général.

Remarque: on interprète souvent, à tort, ce redshift comme un effet Doppler dû au mouvement de la source. Le décalage Doppler d'une source de vitesse V est:

z =  l0/l1 - 1 = (c +V radial) ( c²-V²)-1/2  = {[(c+Vradial)/(c-Vradial)] 1/2 - 1} ~V radial / c

Attribuer le redshift cosmologique z à un effet Doppler conduit à attribuer à la source une vitesse radiale:

Vradial = c.  z  = c[a(t0)/a(t1 ) -1] ~ c.(a'/a)(t0-t1) ~H.D

pour de petits intervalles de temps t0 — t1, avec  a' = da/dt ~ 0. On retrouve la loi de Hubble, avec une constante de Hubble H = a'/a et une distance D ~ c[t0-t1]. Mais ceci n’est correct que si z << 1 (ce qui était le cas des premières mesures de Hubble). Sinon la vitesse Vradial n’a aucun rapport avec la variation de distance physique entre source et récepteur. Notons qu’en pratique une galaxie présente aussi un décalage Doppler, dû à son mouvement propre, qui s’ajoute au décalage cosmologique dont il est ici question (sans compter un décalage gravitationnel, le plus souvent totalement négligeable, heureusement).

Horizons

Si l'intégrale òt1t0 dt/a(t) = c0 - c1 ne diverge pas à t1 = t.Big-Bang (ou pour t1® - ¥), il existe une distance maximale (c0—c1) qu'un rayon lumineux a pu parcourir depuis l’origine du temps. Il existe donc des points dont on n'a pu recevoir aucun signal, et a fortiori aucun objet. Rindler appelle cette distance maximale un "horizon des particules" car c’est la distance maximale qu’une particule a pu parcourir. De même si l'intégrale ne diverge pas en tBig-Crunch (ou pour t0 ® +¥), il existe une distance maximale qu'un rayon lumineux pourra parcourir, et donc des points dont on ne recevra jamais de signaux. Rindler appelle cette distance maximale un "horizon des événements" car on ne saura jamais quels événements se sont déroulés au-delà de cet horizon. La notion d’horizon joue un grand rôle en cosmologie: nous sommes influencés par tout ce qui se trouve à l’intérieur de notre horizon des particules, et nous influençons tout ce qui se trouve à l’intérieur de notre horizon des événements. Inversement, ce qui est en dehors de l’horizon est complètement déconnecté de ce qui est dedans.

Distances

La distance spatiale de deux objets peut se définir de plusieurs manières non équivalentes.

Distance propre

Deux objets de coordonnées comobiles [c1,q,j] et [c0,q,j] sont à une distance comobile Dc  = c0 — c1. Leur distance propre est définie par:

Dpropre(t) =  a(t) Dc

Dans un univers fermé (k=1), 0 < c < 2p et il existe donc une distance propre maximale D= p a(t): dans ce cas, a(t) a vraiment le sens d'un "rayon de l'univers". La distance propre est la "vraie" distance au temps t entre 2 objets, mais elle ne correspond à aucune mesure que l’on puisse exécuter physiquement. Ce qui s’en rapproche le plus est d’imaginer une chaîne d’observateurs entre c1 et c2 envoyant chacun au temps t un signal lumineux au suivant, notant l’instant de réception du signal de l’observateur précédent, et un coordinateur rassemblant ensuite les résultats de toutes ces mesures pour calculer la distance propre au temps t.

Distance angulaire

Prenons un objet de dimension physique d connue qui ne suive pas l’expansion de l’univers, par exemple le diamètre d’une galaxie, émettant de la lumière au temps t1. S’il est à une distance comobile Dc, il est vu sous un angle d  = d / a(t1) Dc  , toujours << 1 en pratique et on lui attribue une distance Dang :

 

Dang =d/d=a(t1)Dc=a(t1)a(t0) Dc /a(t0) = (1/1+z).Dpropre

Quand la distance comobile Dc augmente, l’instant d’émission t1 est de plus en plus reculé et donc a(t1) diminue. On peut calculer que si a(t) µ ta, le diamètre angulaire d passe par un minimum puis se remet à augmenter:

d  = [d(1-a)/t0]/ [(1+z)-1 - (1+z)-1/a]

µ 1/z si z<<1,

µz si z>>1

Rechercher un tel minimum est très délicat en pratique, car il faut être sûr que la dimension d reste constante au cours du temps (ou tout au moins varie d’une manière connue).

Distance de luminosité

La luminosité absolue L d’un objet est l’énergie qu’il rayonne par unité de temps, la luminosité apparente l l’énergie que l’on en reçoit par unité de temps et de surface. Prenons un objet de luminosité absolue L connue, observé avec une luminosité apparente l . On lui attribue alors une distance de luminosité dL définie par:

dL = ( L / 4p.l )1/2

L’intervalle de temps entre chaque photon est augmenté d’un facteur a(t0)/a(t1), et l’énergie de chacun d’eux est diminuée d’un facteur a(t1)/a(t0). La luminosité apparente, énergie reçue par unité de temps, est alors donnée par:

l= [a (t1)/a (t0) [L/4pDpropre (t0)²] Þ dL (t0) = (1+z) Dpropre (t0)

On déduit de ces résultats que la luminosité de surface S (la luminosité apparente par unité de surface angulaire):

S= l/pd² = L/[(1+z)4 . 4p²d²]

ne dépend pas de l’évolution temporelle du paramètre d’échelle a(t) entre t1 et t0, mais uniquement du redshift z (et de la luminosité et du diamètre intrinsèques L et d de la source). Cette relation permet de distinguer un modèle où le redshift est cosmologique (lié à l’expansion de l’univers) d’un modèle où il serait dû à d’autres causes (par exemple la théorie de la lumière fatiguée). Ce n’est que très récemment qu’elle a été vérifiée.

Les diverses distances sont voisines quand elles sont petites, mais diffèrent quand elles deviennent grandes. Par ailleurs, elles sont inextricablement mêlées dans l'observation car on mesure la luminosité d’objets étendus, les galaxies, dans une fenêtre étroite de rayonnement.